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Adrienne l'espiègle qui dut affronter la Gestapo à Mulhouse.




- - - - - - -      I N T R O D U C T I O N      - - - - - - -


Le 6 juin 1944, la Deuxième Guerre Mondiale connut un épisode important : les Alliés qui s'étaient regroupés en Grande-Bretagne débarquèrent en France pour chasser l'occupant.

Adrienne, ma mère, est née le 6 juin 1926 à Ribeauvillé en Alsace. En 1944, l'Alsace est annexée et tout le reste de la France est occupé par l'Allemagne. Le débarquement fut un immense espoir pour les français et ma mère, ce jour-là, fêtait ses 18 ans.

Deux ans plutôt, à Mulhouse où elle résidait, Adrienne fut confrontée à un interrogatoire par la Gestapo. Pour quelle raison ? Quel fut l'issue de cette confrontation ? Elle avait 16 ans. Les quelques lignes qui suivent vous racontent cet épisode peu banal de la vie de ma mère : Adrienne l'espiègle.




- - - - - - -      R É C I T      - - - - - - -


En 1940, Mulhouse est devenu Mülhausen et Alsace s'écrit Elsass. Ce n'est pas la première fois. Déjà entre 1871 et 1918, l'Alsace (et une partie de la Lorraine) a été annexée par l'Allemagne.

Née à Ribeauvillé en 1926, Adrienne est une jeune adolescente quand avec ses parents, sa soeur Marie-Thérèse et son frère Jacques, elle s'installe à Mulhouse.

Lundi 30 mars 1942. En fin d'après-midi, Adrienne, sans Marie-Thérèse retenue chez elle par une fracture à la colonne vertébrale, se rend à l'hôtel de la Bourse pour prendre des consignes.

L'hôtel de la Bourse appartient à la famille Rohmer. Madame Rohmer est veuve et a deux enfants dont un garçon du même âge qu'Adrienne et prénommé Raymond. Il y a également Lucien, le beau-frère de Madame Rohmer. Les allemands avaient réquisitionné la moitié de l'hôtel.

Régulièrement, des français faits prisonniers par l'occupant et enfermés dans des camps en Allemagne s'évadent.

Pour rejoindre la France non occupée et trouver un passeur pour franchir la ligne de démarcation, Madame Rohmer recueille dans son hôtel, à la barbe des allemands qui occupent une partie des bâtiments, les évadés français.

Il faut ensuite fournir des vêtements et de l'argent français à ces évadés. Il faut également organiser le passage au-delà de la ligne de démarcation en cheville avec des passeurs. La famille Rohmer peut compter sur la générosité et l'aide d'autres mulhousiens. Adrienne, Marie-Thérèse et leur mère (ma grand-mère) sont de ceux-là.

Donc, ce lundi 30 mars 1942, vers 18 heures, Adrienne s'approche de l'hôtel afin de chercher des consignes liées à ce réseau d'évasion. Les Rohmer avaient été dénoncés. La Gestapo interpelle Madame Rohmer, son beau-frère et le jeune Raymond qui est aussi, malgré ses 16 ans, un membre très actif de ces actes de Résistance.

Adrienne rebrousse chemin, discrètement, mais le chien de l'hôtel qui connait bien la "visiteuse" se précipite vers elle avec des aboiements affectifs. La Gestapo arrête Adrienne.

Elle sera conduite dans les bureaux de la sinistre administration. Interrogée et niant tout, Adrienne réclame avec insistance le besoin de se rendre aux toilettes. Après des demandes réitérées, elle reçut l'autorisation de s'y rendre. Une fois isolée, elle retire de sa poche un papier compromettant, le déchire en petits morceaux, les jette dans la cuvette et doit tirer la chasse d'eau à plusieurs reprises pour faire disparaître totalement le document. En quittant les lieux elle pousse un "ouf" de soulagement tout en méprisant les railleries des agents de la Gestapo qui la croyaient malade.

Interrogée à nouveau elle sera giflée et continuera à se taire. Plusieurs heures après, on la relâche. Adrienne rentre chez elle et ne fut plus inquiétée. Elle avait 16 ans.

Le 18 mai 1943 Madame Rohmer et son beau-frère sont condamnés à mort. Raymond qui simule la folie est condamné à 3 ans de camp de prisonniers. Les condamnations à mort furent reportées à la fin de la guerre et jamais exécutées.

Raymond passera 3 ans et 3 mois en captivité dans 22 camps. Il verra la mort de près à plusieurs reprises. Il est libéré le 14 avril 1945. Il a à peine 20 ans.

Seule la famille a le droit de correspondre avec les prisonniers. Aussi ma grand-mère déclare à la Gestapo être la tante de Raymond. Adrienne et Marie-Thérèse ont pu alors envoyer du courrier à leur "cousin". Comme seule la langue allemande était autorisée pour toute correspondance, mon grand-père assurait la traduction.

Ci-dessous : extrait d'une lettre envoyée à Raymond et conservée par celui-ci jusqu'à sa libération.



Ci-dessous (photographie de gauche) : Adrienne et sa soeur Marie-Thérèse.





Alors que Raymond prenait régulièrement des nouvelles d'Adrienne, fin 2005, quelques semaines avant sa disparition (maman s'est éteinte le 16 janvier 2006), il nous avait raconté comment elle aimait emprunter très discrètement les brosses-à-dent des "invités" occupants - qui séjournaient dans une partie de l'hôtel de la Bourse - afin de passer délicatement sous les babines du chien chaque brosse puis les remettre là où elle les avait trouvées.

Raymond disait qu'Adrienne était une espiègle.



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1. Enveloppe du courrier d'Adrienne et Marie-Thérèse destiné à leur "cousin" Raymond et adressé au sinistre camp de Shirmeck ...





2. Article paru après la guerre dans le quotidien "L'Alsace" à propos du rôle joué dans la Résistance par les propriétaires de l'hôtel de la Bourse, où l'on peut lire également : "... lutte implacable contre l'oppresseur. Particulièrement les jeunes Adrienne et Marie-Thérèse Winckler, âgées toutes les deux de 15 ans et demi. Amies du jeune Raymond Rohmer, elles faisaient office d'agents de liaison, de ravitailleuses, menaient les prisonniers dans des familles de patriotes ...".





- - - - - - -      D ' A U T R E S      P H O T O G R A P H I E S      - - - - - - -


3. Adrienne ...





4. Adrienne et sa soeur Marie-Thérèse (protographie de gauche) ...





5. Adrienne ...





6. Les trois enfants : Jacques, Marie-Thérèse et Adrienne ...





7. Mes parents se sont mariés en 1948 ...





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